Mon plus vieux a un de ces TDAH du type « tu-m’as-vu-qu’une-fois-mais-t’oublieras-jamais-qui-je-suis ». Je parle ici du modèle bruyant, impulsif et opposant. Avec lui, la moindre petite coupure doit recevoir un bandage du type grand brûlé. Avec lui, la moindre petite frustration se transforme en un ouragan dévastateur digne de faire trembler de peur la Nouvelle Orléans. Avec lui, la moindre petite émotion est exprimée si intensément qu’il en ferait rougir d’envie les plus grands acteurs d’Hollywood. À côté de ça, mon milieu a l’air d’un ange. À côté de ça, il passe quasi inaperçu.
Mon numéro deux. Mon milieu. Non seulement il a hérité du rôle ingrat de « l’enfant oublié/négligé » du milieu, en plus, il est le second, l’ombre que dis-je, du plus grand dictateur. Pas assez vieux pour être celui qui défonce les portes, mais pas assez petit pour hériter de la souplesse et du lâcher prise des parents. Celui qui ne mènera jamais la marche. Celui qui doit suivre et qui n’aura jamais autant d’attention que la diva ou le « bébé ». Mais pourtant.
Il a de quoi faire craquer tous les cœurs avec ses allures du Petit Prince et sa candeur. Une belle naïveté qui fait rire et sourire. Mais sous ces airs angéliques se cache un TDAH sournois. Une version insidieuse. Parce que c’est pas parce qu’on est moins bruyant que le voisin ou qu’on fracasse moins de vitres qu’on ne cause pas de dégât, qu’on mérite moins qu’on s’y attarde.
Mon deuxième, qui passe si souvent troisième, semble finalement s’être taillé une place au premier rang de nos préoccupations. Parce que là, il frappe son mur. Le mur de la 1re année. Son TDAH dormant, quasi inoffensif, vient de rencontrer le mur de l’effort soutenu, de la prolongation des périodes statiques et de la multiplication des consignes. Mon gars vient de réaliser que c’est fini les ligues mineures. Asteur, c’est les ligues majeures. Son DA vient d’être mis à rude épreuve. Et son H, il souffre d’être autant castré.
Alors l’encre commence à couler sur les pages de son agenda. Les remarques plates du type « devrait se concentrer davantage » font soudainement apparition dans son cahier de dictée. Et les devoirs et leçons se transforment en séances de torture, de part et d’autre, parce qu’on va se le dire, c’est aussi souffrant pour lui que pour nous!
Le désespoir. Je le vois dans son visage et dans son corps qui se tortille… La lourdeur de l’écriture, la torsion cérébrale pour lire toutes ces phrases, le labyrinthe maudit de l’accès à la mémoire orthographique. Tant de défis pour un enfant aussi jeune, aussi fragile encore. Mais comment l’aider adéquatement quand notre expérience se limite au désamorçage de bombe?
Mon beau milieu d’amour, sache que papa et maman ont senti ton désarroi. On a beau en avoir vécu des situations abracadabrantes, on n’a pas vécu « toi ».
Alors on se retrousse les manches, on se met en mode « observation/actions/apprentissage » et on lui accorde enfin cette position tant convoitée et si longtemps refusée : la première marche du podium de notre mobilisation. Parce qu’aussi sages, gentils, effacés soient-ils, tous les enfants ont besoin de se sentir important, considéré et épaulé.