Le deuil d’un enfant « typique »

Quand tu flattes ta bedaine, enceinte, que tu visualises ta vie de famille à venir, tu vois généralement l’image d’une famille heureuse, en harmonie. Une famille qui vit quelques petites crises de bacon, oui, mais somme toutes, avec une dynamique équilibrée. Tu ne te dis pas d’emblée que tu l’auras rough, que tu pleureras toutes les larmes de ton corps plusieurs fois par semaine, que ton rythme cardiaque augmentera à chaque fois que le numéro de l’école apparaîtra sur ton cellulaire. Non. Ce n’est pas ÇA, ta vision de la parentalité. C’est pourquoi aujourd’hui, je veux vous parler du deuil. Le deuil qu’on ressent quand on réalise que notre vie de famille ne sera pas ce qu’on avait imaginé, souhaité. Que notre route sera pas mal plus rock and roll que ce qu’on avait prévu.

Certains me trouveront un peu intense de parler de deuil, d’autres mettront peut-être enfin un mot sur ce qu’ils ressentaient depuis qu’ils ont reçu le diagnostic de leur enfant. Et ceux qui l’ont eu plus difficile que les autres (parce qu’il y en aura toujours des « pires » que nous), hocheront sûrement de la tête parce qu’ils sont passés par là et se reconnaissent déjà.

Parce qu’apprendre « officiellement » que notre enfant a un TDAH n’a pas le même impact pour tout le monde. Et je mets le mot officiellement entre guillemets parce qu’en général, une petite voix nous le soulignait tout bas depuis bien longtemps. On s’en doute qu’il y a quelque chose qui cloche dans le développement de notre enfant, qu’il y a anguille sous roche, mais on garde une sorte de naïveté volontaire, un désir inassouvissable de vouloir garder le statut quo.

Un peu comme une femme (ou un homme bien évidemment!) qui découvre que son chum la trompe. Tu vois un changement dans le comportement, dans les habitudes de l’autre. Tu doutes de plus en plus que quelque chose se passe, mais tu préfères ne pas chercher pour conserver cette illusion de bonheur que tu étires. Mais un moment donné, l’évidence frappe, l’élastique te pète au visage. Pour l’un, c’est un texto/courriel intercepté, pour l’autre, c’est le résultat d’un long questionnaire et d’une série de tests passés chez le neuropsychologue.

Et bizarrement, dans les deux cas, même si les doutes étaient bien présents depuis longtemps, tout ne s’écroule qu’au moment où la preuve irréfutable arrive. Et c’est là que ça bardasse… En dedans comme en dehors. Certains, qui sont plus résilients ou qui ont des enfants moins accaparés par leur TDAH, trouveront que notre perception est exagérée. D’autres seront soulagés de réaliser qu’ils ne sont pas les seuls à vivre un deuil.

Alors pour ceux qui se demandent si c’est « normal » de se sentir triste, apeuré, fâché et/ou dépassé par l’annonce du diagnostic, eh bien je vous rassure : oui, c’est normal.  Tous ne le vivront pas de la même manière bien évidemment, mais oui, il y a tout un deuil à faire.

Pourquoi parle-t-on de deuil alors que notre enfant est bel et bien vivant (on en a plusieurs démonstrations assez efficaces par jour!)?  Parce qu’il faut accepter, éventuellement, de faire nos adieux à notre vie « d’avant ».

Avant. Quand on n’avait pas besoin d’aide d’une psychoéducatrice, d’une travailleuse sociale, d’une psychologue et d’un médecin pour savoir comment avoir des interactions efficaces, favorables et positives avec notre enfant. Avant qu’on doive tout analyser pour essayer de diminuer le nombre d’explosions émotionnelles. Avant qu’on ne reçoive 3-4 appels de l’école par semaine pour venir chercher notre enfant ou pour tenter de le ramener au calme. Avant qu’on ne doive mettre un système d’émulation pour essayer de diminuer les mauvais comportements. Avant de devoir se fixer une routine immuable au risque d’en subir des conséquences pendant 2 jours. Avant de passer des mois d’enfer pour trouver la bonne dose de médication (ou avant d’avoir à se demander si on veut lui en donner). Avant de devoir dealer avec les réactions plates des autres et leurs jugements (comme si notre enfant était soit la réincarnation du mal, soit un enfant-roi tyrannique ou soit nous, de mauvais parents).

Avant… Avant.

Donc maintenant, qu’on sait, on fait quoi?

Bien on prend le temps de vivre chaque étape de notre deuil, à notre rythme. Peut-être que votre conjoint/e ne le vivra pas de la même façon que vous, même que c’est très probable! C’est là que le respect de l’autre, l’empathie et la patience entrent en jeu. Vous aurez besoin d’être une équipe forte pour passer à travers tous ces rebondissements qui vous attendent. Et si vous êtes seuls, faudra apprendre à demander de l’aide, à vous entourer de gens bienveillants. Alors soyez indulgents l’un envers l’autre et envers vous-même, parce que comme tout deuil, ça va passer.

Le temps fera son œuvre. Vous apprendrez. Vous apprendrez à mieux communiquer avec votre enfant. Vous apprendrez à « lire » ce qui se passe dans sa tête et à désamorcer les bombes. Vous apprendrez à l’encadrer comme il en a besoin. Vous apprendrez qu’il y a encore du beau, du bon et du formidable malgré cette différence. Vous apprendrez qu’il vous faudra parfois vous battre pour faire remarque aux autres ces belles facettes de votre enfant, trop souvent ombragées par l’étiquette gravée sur son visage. Vous apprendrez que vous êtes plus fort que vous ne le croyiez. Vous apprendrez aussi que vous avez vos limites. Vous devrez apprendre que vous avez droit à l’erreur.

Parce que la vie d’après, elle est prometteuse. Une fois que vous aurez apprivoisé « la bête » (et je parle du TDAH là, pas de votre enfant!), vous continuerez de voir tout ce qu’il y a de beau, de formidable et d’épatant dans votre enfant. Parce que oui, il y a un après. Et après le deuil, la vie reprend son chemin, avec ses mille et une possibilités.

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