Power trip

Je sais pas si c’est de la rigidité mal placée, un réflexe amplifié de syndrome d’infériorité ou simplement un reflux d’ego, mais on dirait que mon gars surf sur un power trip. Mais pas un petit power trip là, un méga trip d’ego. Kardashian style. Dans sa tête, c’est comme si les seules bonnes idées de jeux sur terre pouvaient provenir de ses cellules souches. Comme si à moins d’être totalement en accord avec son scénario (aussi complexe et précis qu’un film de Stanley Kubrick ou de Xavier Dolan… parce que tsé, la simplicité, c’est vraiment NUL), ben c’est de la marde.

Ok, il n’utilise pas ce mot-là, mais on s’entend que t’as pas besoin d’avoir un DEC pour comprendre que ça passe pas au conseil… Pis le conseil, ben y’é composé d’une seule personne qui porte tous les chapeaux : idéateur, scripteur, metteur en scène, réalisateur, acteur pis producteur. Facqueeeee, suis! Ou entre en putréfaction dans ton coin parce que c’est pas lui qui va plier. Oooohhh que non!

Combien de fois j’entends : « NOOON!!!! C’est pas ça le jeu! » Le tout, suivi d’une quinzaine de règles à moitié incompréhensibles sur des pouvoirs quelconques… le genre de truc MÉGA GIGA IMPORTANT dans la vie d’un enfant de 8 ans apparemment. Et ça se termine toujours comme ça : « Ben si c’est comme ça, moi, je joue plus. »

Bon, on s’entend, c’est assez fréquent ce genre de balivernes chez les enfants. Je me souviens même d’avoir utilisé ces menaces vides moi aussi (comme si j’allais restée dans mon coin éternellement alors que tout le monde joue! Yeah right!) Mais de façon aussi systématique? Pense pas, non!

Des fois, je viens tellement épuisée pour les autres de l’entendre s’opposer à une quelconque idée venue menacer son schéma narratif si parfait que je ne peux m’empêcher de lui balancer un : « Face de pet, viens-me voir! » Bon… J’appelle pas vraiment mon gars « face de pet » devant ses amis (quoi que ce serait drôle! Je vais sûrement m’y mettre éventuellement!) mais c’est comme un petit surnom que j’utilise parfois et qui va me permettre, pour les fins de cet article, de taire son nom.

Je disais donc que je demande à ma « face de pet » de venir me voir. Fin renard (ou simplement parce que ça arrive à peu près à toutes les semaines… ouain… disons 2-3 fois par semaine), il me répond sur son ton le plus pré-ado possible : « Non. » Quasiment sans émotion au départ, ça se termine inévitablement par un « AAAAARRRRGHHH!!! TU M’ÉNERVES! », parce que j’insiste tsé…  C’est là que je me retrouve, entre deux pelures de panais et un four rendu à 379 degrés/425, à lui expliquer la dure réalité :

« Qu’est-ce qui est le plus important pour toi : tout décider ou jouer avec un ami? » Parce qu’on s’entend, la dictature dans une société démocratique, ça fait pas long feu… Les gens se poussent assez rapidement vers des cours arrières plus clémentes. Évidemment, il a répondu assez vite que l’ami était plus important. Mais sincèrement, je crois qu’il savait, de façon bien rationnelle, que c’était la réponse à donner. Mais je crois également que son petit démon sur son épaule gauche lui hurlait dans l’oreille : « DÉCIDER!!! TOUT DÉCIDER!!! C’EST ÇA QUI EST IMPORTANT!!! » Mais bon… Il a quand même énoncé la réponse la plus logique et la plus douloureuse à la fois. Et il a fini par mettre de l’eau dans son vin…Un peu… Pendant les deux minutes qui ont suivi…

J’ai donc fini par fermer la porte-patio. C’était plus sécuritaire pour ma santé mentale et pour préserver ce qui restait de l’estime de soi de mon gars.

J’essaie de me dire que des fois, faut apprendre à la dure. Mais quand je sais que les amis se font rares. Que peu d’enfants veulent jouer avec lui à la récréation. Que le petit voisin accepte de jouer avec lui à la maison mais pas à l’école. Ben ça fait mal… Et sûrement 1000 fois moins mal que dans son petit cœur. Pas facile de trouver sa place quand on est un peu plus émotif, un peu moins mature, un peu plus entêté, un peu moins discret et surtout, pas mal plus différent que les autres…

Une différence pesante dans un petit monde très hermétique. Une différence si éclatante dans une période où on tente à tout prix d’être fade. Une différence si difficile à faire accepter dans une société de performance où la perfection est si prisée.

Je me console en me disant que c’est pas en étant aussi beige que les murs d’un hôpital et aussi malléable dans nos certitudes qu’on se rend à Cannes ou aux Oscars. Un jour ou l’autre, il saura en faire une de ses principales forces. Et qui sait, il pourra peut-être l’avoir ce job où il décide de tout et dirige tout le monde!

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